Un bois qui ne brûle pas (ou très lentement) lors d’un incendie semble contre-nature.
Pour ignifuger les pièces de charpente et autres panneaux nécessaires aux constructions en bois, les professionnels jouent aux apprentis sorciers.
Les produits utilisés ne sont pas non plus sans conséquence sur la santé humaine.
Le bois connaît un retour en grâce dans le secteur de la construction depuis le début des années 2000.
L’État a pris des mesures incitatives, la publicité et le marketing ont fait le reste.
Aujourd’hui en France, il représente 10% des matériaux utilisés (contre 15% en Allemagne et 35% en Scandinavie).
Avant d’arriver sur les chantiers de construction, poutres, panneaux et pièces de charpente subissent de nombreux traitements chimiques : fongicide contre les champignons, insecticides contre termites et autres petites bêtes, et ignifugeants contre le feu. Coup de projecteur sur ces derniers.
Comment ça marche ?
Les produits ignifuges sont appliqués sur les pièces de bois brutes, propres et sèches, par trempage ou par pulvérisation afin que l’ignifugeant pénètre les fibres du bois. Les propriétés principales de ces produits sont de retarder l’altération des propriétés mécaniques du bois, de retarder l’inflammation et d’en limiter la combustion.
Deux facteurs sont alors étudiés – la réaction au feu et la résistance au feu – et conditionnent le classement des éléments en bois traités, de M4 à M1, M4 étant très inflammable, le classement M0 étant réservé à des matériaux naturellement incombustibles comme le béton, le verre ou les roches.
La réaction au feu souligne la potentialité d’un élément à se transformer en combustible et donc à propager l’incendie.
La résistance au feu, elle, décrit le comportement d’une structure face au feu et à la chaleur dégagée.
Pour les concepteurs de maison, l’objectif – en cas d’incendie – est de limiter la propagation des flammes et de retarder, voire éviter, l’effondrement de la charpente.
Les normes européennes distinguent la stabilité au feu (SF) et l’effet pare-flamme (PF), la première désignant la capacité portante de la structure, la seconde l’étanchéité aux flammes.
Trois familles chimiques dans les ignifugeants
Altérer les propriétés de combustion du bois ne se fait pas par un tour de magie.
Les industriels ont recours pour cela à trois familles de produits chimiques : des composés halogénés, des composés azotés et des hydroxydes métalliques.
Les composés halogénés regroupent les composés chlorés, fluorés, bromés et iodés.
Dans le cas d’un incendie, ces composés libèrent des halogènes qui permettent de préserver la stabilité du matériau malgré de fortes températures. Les additifs chlorés et bromés, eux, présent des propriétés chimiques retardant l’apparition et la propagation des flammes.
Ces composés portent des noms barbares pour le commun des mortels : polybromodiphényléthers, décabromodiphényléther, hexabromocyclododécane, bromophénols, tétrabromobisphénol, anydride chlorendique…
Les composés azotés sont eux aussi des retardateurs de flamme. Ils sont composés de mélamine et de dérivés de la mélamine (acides boriques, cyanuriques et phosphoriques).
Enfin, la troisième famille, celle des hydroxydes métalliques, est constituée d’additifs comme l’hydroxyde d’aluminium et l’hydroxyde de magnésium.
En cas d’incendie, le bois libère de l’eau qui dilue ces gaz dans les zones en combustion. Sous l’effet d’une forte chaleur, ces produits agissent comme un émail céramique et créé une pellicule protectrice autour du bois. Mais la réaction de tous ces produits à l’extrême chaleur d’un incendie libère aussi, dans les fumées, des produits toxiques pour le système pulmonaire et nerveux de l’homme.
Fumées toxiques et cyanures
Que se passe-t-il exactement le jour du sinistre ?
Deux groupes de population sont touchés par les fumées toxiques : les habitants pris au piège, puis les pompiers dans un deuxième temps. Les chiffres font froid dans le dos : 80% des décès lors d’un incendie sont dus aux fumées inhalées et à la raréfaction de l’oxygène dans l’air intérieur, 20% seulement aux brûlures et aux chutes de matériaux.
La principale cause de décès résulte donc la dégradation des matériaux due à la chaleur.
La combustion entraîne la pyrolyse des matériaux, c’est-à-dire le processus de disparition du corps organique en train de brûler, le bois dans la plupart des cas.
Les drames se produisent donc avec ce double facteur : le cerveau ne dispose plus de suffisamment d’oxygène et les poumons sont vite obstrués par les suies en suspension et par les produits toxiques dégagés.
Outre la combustion des matières organiques, ces gaz toxiques (une centaine répertoriée) sont émis par plusieurs sources : matières synthétiques, vernis et peintures recouvrant le bois, produits ignifugeants qui, s’ils retardent la combustion, rejettent aussi de véritables poisons dans l’air.
Ces gaz asphyxiants regroupent des dérivés de cyanures, d’hydrogène sulfurée et des oxydes de carbone. Parmi les gaz irritants, citons le chlore et ses dérivés, l’azote et ses dérivés, et enfin les aldéhydes.
Lors de la combustion du bois pendant un incendie, trois familles de gaz sont particulièrement toxiques pour le métabolisme de l’homme : le monoxyde de carbone, le dioxyde de carbone et l’acide cyanhydrique. Le monoxyde de carbone est certainement le plus toxique des gaz rejetés au cours d’un incendie.
C’est lui qui vient se fixer sur l’hémoglobine du sang, empêchant l’oxygène d’être transporté dans l’organisme : 80% se fixe dans le sang, 20% sur les muscles.
Le dioxyde de carbone, lui, n’est pas le plus toxique, il fait partie de l’air que nous respirons habituellement, mais il est présent en trop grande quantité pendant la combustion de matières organiques. Sa présence dans l’organisme va surtout favoriser le passage vers le système nerveux de certains acides, en particulier des cyanures.
Enfin, l’acide cyanhydrique est principalement libéré, au cours de l’incendie, par la combustion de matériaux synthétiques comme les matières plastiques (polyamides, polyuréthanes, polymères…) que l’on retrouve dans les moquettes, les canapés, les coffrages d’appareils électroménagers…
L’association dans l’air ambiant du monoxyde de carbone et des dérivés de cyanures est responsable de nombreux décès, bien avant l’arrivée des pompiers.
Les pompiers, victimes oubliées
Des pompiers qui présentent d’ailleurs, au cours de leur carrière, de nombreuses maladies cardiovasculaires ou des cancers liés aux fumées inhalées au cours de leurs interventions.
En septembre dernier, la CNRACL (Caisse nationale des agents des collectivités locales) a publié le rapport intitulé Impact et préventions des risques relatifs aux fumées d’incendies pour les sapeurs-pompiers. « L’association entre le risque cardio-vasculaire et le métier de pompier est désormais reconnue du fait de l’exposition à des substances cardio-toxiques, explique le rapport.
Sur 732 tumeurs malignes, le cancer broncho-pulmonaires est la localisation la plus fréquente (25%), suivi par les cancers de la lèvre-cavité buccale-pharynx (9%), les cancers du foies et des voies biliaires intra-hépatiques (6%) et du pancréas (6%). »
L’étude souligne également la toxicité des fumées : « Les principaux composés à effet différé sont les hydrocarbures, les aromatiques et les polycycliques dont certains ont une cancérogénicité avérée ». A ces produits s’ajoutent le formol, les dérivés chlorés, les dérivés fluorés, le plomb… dont certains sont présents dans les traitements du bois. Si les produits ignifuges retardent les incendies, ils sont aussi responsables d’intoxications, surtout chez les pompiers. »
Article d’une lectrice de Danger-sante.org
Auteur : Anais P.